jeudi 3 février 2022

La plus secrète mémoire des hommes ou les pourtours d'une plaie sacrée




La plus secrète mémoire des hommes, prix Goncourt 2021, se construit autour d’une double quête, celle d’un livre, Le Labyrinthe de l’inhumain,et celle de son auteur, Elimane, mystérieusement disparu. Dans une spirale de récits emboîtés qui entraîne le  lecteur de l’Europe à l’Afrique en passant par l’Amérique latine, cette histoire-là est impossible à résumer ; on risquerait d’en perdre son latin en y sacrifiant le suc et la truculence de la plume de Mohamed Mbougar Sar. 


Si la fluidité de la lecture est parfois embarrassée par les détours et méandres d’une construction labyrinthique et chorale, l’intérêt n’en demeure pas moins vif à la poursuite du fil d’Ariane de la quête littéraire et identitaire autour d’Elimane. 

De cette dernière, on retiendra le tiraillement entre vivre et écrire, entre la terre d’Afrique et le sol européen, ainsi que l’amour des livres et du « Royaume de la bibliothèque » comme seule patrie, mais surtout une blessure béante autour de laquelle gravitent les personnages sans réussir à la contenir. « Cette plaie sacrée » qui affecte des générations entières résulte bien sûr de la colonisation :

« Tu le sais : la colonisation sème chez les colonisés la désolation, la mort, le chaos. Mais elle sème aussi en eux – et c’est sa réussite la plus diabolique – le désir de devenir ce qui les détruit. Voilà Elimane : toute la tristesse de l’aliénation. »

 

Barbara Marshall 


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