lundi 20 septembre 2021

L'Art d'empaqueter

 


Quand l’empaquetage s’emballe, la façade s’affiche, se revendique à la face du monde. On pourrait craindre quelque chose de plat et de superficiel, avec l’arrière-pensée d’une facilité déguisée en démarche d’artiste. Une arnaque en somme ! Puisque notre époque s’approprie souvent l’apparence pour attiser le désir de sensationnel du chaland, l’œil avisé se méfie de ce qui brille ou chatoie trop fort. Ainsi le Parisien, échaudé par des tulipes célèbres, passe son chemin et s’éloigne de l’Étoile…




Mais au sommet de l’avenue la plus célèbre du monde, dans une nuit sans étoile, un arc brille et pose l’énigme d’un écrin qui ne fait pas écran. Au-dessus de la flamme de la tombe du soldat inconnu et de la "dalle sacrée" comme l'appellent les anciens combattants, des drapés scintillent, soulevés par le vent. C’est une journée sans voiture dans la capitale, les photographes multiplient les prises de vue, les touristes déambulent sur la place libérée de son flot de véhicules. Certains s’attardent devant la sépulture, d’autres touchent la toile argentée pour vérifier la texture. Le doux recouvre la pierre tout en affirmant ses contours. L’œuvre de Jeanne-Claude et Christo balaye le scepticisme en révélant la forme contenue par des cordes rouges. La présence est magnifiée, et le monumental rejoint le monument.




Le rayon bleu de la Tour Eiffel étincelante pointe à son tour vers l’Arc de Triomphe empaqueté, ajoutant cette touche supplémentaire d’âme qui attire tant vers celle que l'on surnomme la ville lumière, puisque c'est bien là qu'est apparu le tout premier éclairage public en 1665. Plus bas, sur les Champs-Elysées, une autre façade, un autre écrin. La maison Dior met en valeur ses créations en protégeant des regards sa rénovation ; le bâtiment est enrobé des images des plus belles robes, dans un savant dosage entre zones éclairées comme des vitrines et emballage de luxe.




De Christo à Dior, un étrange dialogue se noue alors, où le reflet du drapé et l’éblouissement se disputent la lumière. La pluie commence à marteler le pavé et éloigne la magie d’un soir. Restent les étincelles dans les yeux.



Barbara Marshall