"Retiens la nuit !" C'est ce que pourrait murmurer à l'oreille de l'auteur un personnage rétif à son éviction. Voudrait-on le faire mourir ou simplement disparaître des chapitres suivants ? Il passerait à la trappe de la création littéraire et son histoire serait bouclée, aussi courte soit-elle... Seulement il ne veut pas la boucler, ni la fermer, refusant de disparaître derrière un bosquet, de déraper d'un parapet, ou de se dissoudre dans l'acide sulfurique. Ce revenant refuse de devenir un fantôme de papier et par là même de valider son manque d'épaisseur !
Voilà qu'il se rebiffe avec de nouvelles répliques, idées ou sentiments. On passerait à côté de cette richesse ? Il vous retient au coin d'un paragraphe, lâche un cri strident, s'agite comme un dératé... Forcément vous tournez la tête pour le regarder d'un œil neuf et hop, il revient au chapitre suivant à force de s'accrocher à vos basques...
Mais vient le moment des adieux, celui inexorable de clore une œuvre aussi mineure soit-elle, Amen ! Pire que la fin d'un inventaire ou d'un enterrement, l'évidence s'impose : cette fois c'est fini ! Vous vous êtes côtoyés, chamaillés, ou pas, et vos routes désormais se séparent. La sienne, invisible ne se poursuivra qu'avec l'avenir de ses maigres traces posées dans récit, une fiction au futur incertain. La vôtre court toujours vers d'autres rencontres après cette inévitable tristesse induite par la séparation. Pas si vite ! Voilà qu'il se rappelle à votre bon souvenir ! On ne l'efface pas aussi facilement. Il joue les prolongations, négocie une suite ? Que sais-je encore... On se reverra peut-être ? Qui vivra verra, mais "c'est bien le problème" vous répond-il.
Alors que votre mémoire s'emmêle les pinceaux avec les vrais faux souvenirs, il commence à s'éloigner. Sa voix devient plus sourde. Ne vous retournez surtout pas ! Un isthme comme une passe périlleuse vous attend : le temps d'accepter son retour en terre immergée et de regagner le large...