samedi 18 juillet 2020

L'escapade du confiné


Le soleil criait aujourd'hui.

Déjà à 10h du matin, je commençais à étouffer.

La journée entre quatre murs a duré une éternité.


J 40 ou 42 de confinement,

j'ai perdu le compte du temps écoulé,

et là, je sens comme un accès de fièvre, de soif,

d'appétit immense.


Que le jour s'éteigne !

Ce soir, j'ai rendez-vous !

Masqué et surexcité, j'enfourche ma liberté à deux mains,

mon autorisation de sortie dans la poche.


Sur le boulevard, le bitume n'est plus gris,

il se drape de tous les feux de la ville.

Je roule avec mon Vélib vers Montparnasse.

Paris m'appelle de tous ses vœux en roue libre.


La tour se dresse comme un phare dans la ville déserte.

Je sens le vent de la vitesse, la fureur de la jeunesse.

Mes jambes pédalent sans effort.


Rue du Départ, j'ai continué sur ma lancée.

L'air frais me remplit d'une joie presque oubliée.

Rue de Rennes, j'ai dépassé le kilomètre fatidique,

mais c'est comme le rab, je me suis dis, ça ne fait pas de mal.


Je me ressers une louchée jusqu'à un Saint-Germain-des-Prés, vidé de ses touristes.

Et encore un peu d'air en pédalant vers le Nord. Cap vers la Seine !

Un pont vers un autre point de vue.


Je devrais hésiter à faire demi-tour mais mon corps s'en fout, je pédale de plus belle.

La Seine scintille. J'exulte.

Henri IV me fait de l'œil, Notre-Dame aussi.

Les berges, le flux, les souvenirs amoureux...


Les lumières du Paris de toujours, comme autant de rappels, d'hommages à la poésie.

Plus loin, quelques policiers apparaissent dans mon champ de vision.

Je les évite en bifurquant dans une rue transversale.

Comme un gamin pris la main dans le pot de confiture.

Pourtant mon motif n'est pas officiel : il est essentiel !

Loin de chez moi désormais, je respire à pleins poumons le plaisir de l'escapade.

Mon sang circule à nouveau, les idées, les sensations jaillissent à foison.

Bientôt la Pyramide.


Le Louvre m'accueille de ses mille ans d'Histoire.

Autant de temps, autant de témoins disparus, autant de traces conservées.

La vie passe, file entre mes roues.


Je suis hors-la-loi, 

l'appel est trop fort.

Je ne voulais pas être en retard.

La liberté n'attend pas.




Barbara Marshall

(Mai 2020)



Le texte mis en images et en musique sur CULTURAMA STUDIO...
Réalisation : José Man Lius
Poème : Barbara Marshall 
Sound design : Lanah Shaï
Assistant : Grigoriy Manucharian
Merci aussi aux voix qui ont sublimé les mots !
Comédienne : Émilie Benoît
Auteur : Philippe Roisse
Auteur : José Man Lius
Comédienne : Hiloë
Comédien : Garry Cadenat
Comédienne : Manon Korbut-Evesque