mardi 1 janvier 2019

Traits joyeux pour 2019


Le Scriptaire, en panne d’inspiration, souhaitait clore l’année 2018, et entamer 2019, d’un trait d’un seul, mais alors, le mot « trait » s’est mis à résonner d’une étrange façon… Pas si simples les vœux comme chacun sait… Qu’est-ce qu’un trait si ce n’est un petit bout de ligne ridicule? Une voix gutturale comme issue des profondeurs de la Terre s’est élevée, indignée : «C’est surtout une promesse d’horizon, et son amorce esquissée ! »
Redécouvrir ce mot à l’aulne de la sagesse antique devint une priorité afin d’adoucir le courroux mystérieux. Ce n’était pas la première fois que le Scriptaire faisait appel à l’archéologie linguistique pour mesurer le décalage moderne de certains concepts. Le monde de la Grèce antique ne lui avait-il pas été révélé par l’amour, enfin par ses dix manières de dire l’amour, ou plutôt de l’écrire, de la porneia (amour appétit) à l’agapé (l’amour gratuit) ? S’élevant ainsi dans l’échelle éthérée de la sémantique, on reste grisé et marqué à vie !
Toujours est-il que le Scriptaire dénicha l’expression « lancer un trait » qui en un seul verbe regroupe l’usage d’un javelot ou d’une lance. Parmi les Hoplites (infanterie lourde), les Peltastes (infanterie légère) ou les troupes légères, les Grecs de ces temps révolus utilisaient une arme de forme oblongue pour fendre l’air jusqu’à leurs adversaires. Ce qui est intéressant dans ce cas précis, est la formulation synthétisant à la fois la description de l’arme et la nature de sa trajectoire en ligne droite. Le trait dessine de manière concrète l’intention de l’assaillant, en aboutissant ou pas à sa destination finale et en traduisant à la fois la motivation et la dynamique de l’action. En français, le « lanceur de javelot » est réduit à un élan initial et à un outil, en l’occurrence le javelot, et perd de ce fait le mouvement global. Comme si, en spécifiant l’objet, la langue gommait le trajet et la vision suspendue dans les airs qui se retrouve dissoute par trop de précision.
Le mot « trait » se retrouve dans le monde contemporain avec une diversité étonnante dans bien d’autres domaines que celui de la guerre. Trait qui sans être physique peut heurter, vexer ou amuser avec un trait d’esprit, d’ironie, de moquerie ou d’humour. Lorsqu’il est voisin du sarcasme, le trait devient agressif, non sans rappeler la fameuse lance du soldat grec de l’Antiquité, tandis que le trait d’union nous emmène en pleine image d’union justement, qu’elle soit syntaxique entre un verbe et un pronom, ou lexicale. Le trait au sens de tracé se retrouve avec le dessin, la rature, ou en plein visage…
Le Scriptaire se perdait dans une jungle de traits quand la voix tonna à nouveau : « Le geste ! Le geste ! » Ce qui eut pour effet immédiat une perplexité statufiée. Que signifiait ce nouvel impératif ? L'aspect visuel était-il moins important qu'il en avait l'air ? Un déclic se fit enfin jour chez le Scriptaire : l'alliance du geste et de sa représentation donnait le trait ! le geste n'était-il pas le mouvement, et donc la vie et le temps qui passe ? Mais quel était le rapport avec les vœux
Peut-être l'image d'une porte au seuil du Nouvel An en aurait-elle aidé plus d'un dans la compréhension de ses représentations ? A chaque changement calendaire, nous aimerions tirer un trait sur le passé, et pour ce faire, nous visualisons un passage vers chacune des années qui viennent comme si la dynamique spiralaire du temps pouvait soudain s’aplatir en deux dimensions : l’avant et l’après ! Nous oublions alors le geste, l’élan qui nous a conduit là où nous sommes. Le trait représente dans le même temps le mouvement et la main qui l’accompagne.
Comment les Vœux pour la Nouvelle Année 2019 pouvait-ils naître de toutes ces considérations ? En lançant des traits au travers de cette ouverture singulière, comme autant d’intentions fortes dans nos trajectoires de vie. « Merveilleuse Année 2019 ! » entendit alors le Scriptaire, avant de vous souhaiter une magnifique impulsion d’énergie et d’amour vers les jours à venir.