mardi 28 mars 2017

Humeur française sans humour

La parfaite illustration de mon ressenti vis-à-vis de l'ambiance actuelle m'a sauté au visage (pardon pour l'image) en un jour ensoleillé à Rome la semaine précédant le 60ème anniversaire du traité de Rome justement : un rocher rouge planté sur une chaise usée, l'équivalent décuplé du clou dans la chaussure sauf qu'au lieu d'empêcher la marche, il interdit l'assise. Sur le dossier, une étiquette écrite à la main indique "Pre-occupato". Cette vraie installation, cet empêcheur de s'arrêter, de se reposer et de se poser, ne serait-ce qu'une seconde, n'est-il pas à l'image de notre constat d'impuissance à la française ?
En pleine tourmente électorale, après un attentat terrible à Londres, et alors que la misère s'installe dans notre beau pays, nos politiques font du rase-motte. Ce ne sont pas tant les affaires qui irritent (bien que... à force), mais plutôt la mise de côté d'un échange avec le peuple sur ce qui le concerne. La protection sociale ? A peine esquissée. Le système de soins en pleine crise démographique et institutionnelle ? Sujet évité le plus souvent ou abordé sous l'angle comptable. L'Europe ? Non celle des frontières mais des coopérations avec nos voisins ? Inexistante. Et la liste des thèmes absents de cette campagne est tellement longue que je ne citerai que mes centres d'intérêt immédiat : la petite enfance, l'éducation, l'environnement et bien sûr, la culture !
Les extrêmes poussent sur le terreau des laisser pour compte de plus en plus nombreux de notre société. On connaît le mécanisme terrible des années 30 qui a conduit à un conflit mondial. Pas grave : on continue à se servir de l'UE comme d'un exutoire à tous nos échecs. L'Europe est avant tout une idée, celle de vivre en paix dans une zone dévastée par la guerre. Une idée qui nous a permis collectivement de ne pas entendre le bruit des bottes ni des bombes pendant plus de 70 ans ! 
Mais le marasme français ne s'arrête pas là. L'incapacité à penser le monde s'installe. Et c'est là où l'idée d'un  siège impraticable me paraît une bonne illustration du malaise. On ne peut plus s'asseoir parce que pour se poser sur une chaise, il faut un peu de tranquillité (et l'espoir d'un bon café). Or l'inertie politique et la confiscation d'un réel débat démocratique se double d'une agitation du citoyen inquiet pour son avenir, sa famille, ses enfants (sans parler du racolage populiste sur l'insécurité). Où est donc passé l'enthousiasme sur un projet de société ? Et la COP21 qui s'est tenu à Paris ? Un lointain souvenir ! 
Il ne nous reste qu'un rocher rouge comme trace d'un morne combat pour trouver une place supportable, car contrairement à Sysiphe, nous ne tentons même pas l'ascension. Ne nous trompons pas de cible : c'est bien cette absence de perspective et de vision politiques qui engourdit les esprits... et rend "pre-occupato" pour la suite, c'est-à-dire dès le lendemain du second tour. Espérons que nous ne nous réveillerons pas trop groggy !